Voici une page
spéciale, dans la
série des pages
2015
qui sont consacrées au patrimoine industriel et
technique.
Gare
des tramways de Rodez, ateliers (postée octobre
1914)
Place d'Armes, Rodez, vue
plongeante sur les rails et la place (postée mai 1912)
Le
tramway de Rodez
fut actif au tout début du
siècle, le précédent, de 1902 (à partir du 15 août) à 1920 (5
juillet). Un
pari très audacieux lorsqu'on connaît la topographie du piton ruthénois
: faire circuler un tramway sur des pentes voisines de 100 ‰
relève en
effet d'une volonté forte de surmonter les obstacles ! Des sources
diverses, certaines accessibles sur le net, permettent de découvrir ce
réseau éphémère. L'article de M. Jacquot, (Bulletin Facs, voir
bibliographie en fin d'article), est certainement le plus
fouillé à
tous points de vue. Pour notre part, notre apport sur cette page
va être
d'évoquer une des particularités du réseau et de son matériel, et
surtout de
proposer ce qu'il est encore possible, près d'un siècle plus tard, de découvrir. Pour cela il faudra
lever les yeux et marcher sur les traces de l'ancêtre...
Plan
des lignes, modification et complément, d'après LVDR
devant l'ancien
lycée Foch (postée 19?6)
Le but
principal
du réseau est de joindre deux pôles
: la gare, celle des réseaux PO et Midi qui cohabitent ici, en un point
frontière, et le centre ville un à deux kilomètres plus loin, et
surtout un peu plus haut, 92 mètres exactement, pour un peu plus de
1500 m, avec une pente moyenne de 60 ‰ et même 100 ‰ sur un court
passage
de 20 m ! La ligne principale, en axe de chaussée, après quelques
centaines de mètres,
emprunte une très sévère montée, l'avenue de Bordeaux, ou côte St-Eloi,
vers le Faubourg. Un changement de direction à 90° lui permet alors
d'emprunter la rue Béteille pour rejoindre la Place d'Armes, itinéraire
légèrement moins pentu. Une fois cette place traversée, le tramway se
dirige sur les boulevards de Rodez vers le palais de justice, qui fut
le point terminal originel du réseau.
photo
Carrère : des rails...
Les difficultés
du passage par
l'avenue de Bordeaux vont amener en 1912 un changement d'itinéraire :
départ de
la gare vers l'est et non l'ouest, puis circulation vers le Faubourg
par des avenues au profil plus conforme à ce qu'on attend pour un
tramway, avenues de Paris, Durand de Gros et Tarayre, mais cette fois
en accotement et non dans l'axe. La ligne s'allongeait de 850 m, mais
on n'avait plus à subir la rampe à 100 ‰, et dépose des freins à
griffes, évoqués un
peu plus bas.
La
gare, station de départ et d'arrivée
Le départ se fait
à la gare ferroviaire. Il y a
évidemment un besoin important en ce point un peu excentré de la ville,
d'assurer le transport des voyageurs vers le centre de l'agglomération
et ses forces vives, les commerces. Et les voyageurs ne sont bien sûr
pas seuls, les bagages les accompagnent. Le cahier des charges du
tramway, publié dans le Bulletin des Lois (XII série, deuxième semestre
1900, tome 61, Bulletin n° 2205, décret 33685 du 26 avril 1900, Journal
Officiel du 5 mai 1900) liste les obligations du
concessionnaire, M. Vergnes de Castelpers, ingénieur
électricien,
en 41 articles. M. Vergnes de Castelpers cèdera les droits à une
Compagnie du
Tramway de Rodez. Il a également créé une société de tramways à Blois à
la même époque. Parmi les obligations du cahier des charges, nous
retenons :
- traction par moteurs électriques
et fils aériens (art. 1)
- écartement intérieur des rails 1 m
(art. 4), rails noyés dans la
chaussée
- par voyageur, droit de péage, 20
centimes (art. 23) de la gare au
palais de justice
- par colis de voyageur, 100 kg
maximum, 20 centimes de la gare au
palais (gratuit si moins de 10 kg)
On voit que
certains voyageurs n'hésitaient pas à
transporter du lourd !
Par ailleurs, le
tramway peut assurer du transport
de fret, de dépêches...
Ces obligations
diverses vont conduire à la
définition d'un matériel éprouvé. La firme suisse Oerlikon étudiera le
réseau et va fournir le matériel électrique. Les ateliers de Schlieren
contribueront à ce marché pour le matériel roulant. Les premières
motrices, élégantes, étaient à bogies. D'autres à deux essieux, plus
légères suivront. Un constructeur de Lyon, Weitz fournira en 1917
deux remorques. Les deux
entreprises principales suisses sont proches de Zurich. La
crémaillère
n'étant pas
retenue,
la circulation par adhérence fera appel à des tramways sur bogies.
Chaque élément (voyageur) est d'une longueur hors-tout de 10,85 m. Le
problème le
plus important sera évidemment celui des rampes à gravir et inversement
à descendre. Nombre de ruthénois ont dû se poser la question et
connaissaient-ils la (les) réponse(s) ?
La montée de
l'avenue de Bordeaux, avec son passage
à 100 ‰ (!) et celle de la rue Béteille n'ont apparemment pas été
cause,
au début des activités
de difficultés particulières. Si elles ont existé, elles n'ont pas été
particulièrement soulignées dans les descriptions d'époque et si un
patinage apparaissait, des sablières pouvaient l'enrayer. Il en est
tout autrement de l'opération inverse, descendre vers la gare. Pour
sécuriser l'activité, le
matériel était muni de deux dispositifs de freinage. Le premier,
utilisé habituellement consistait en un freinage électrique. Les
moteurs devenaient alternateurs et le courant était dissipé dans les
résistances de démarrage. Classique dans son principe ce frein
électrique donnait satisfaction. Au cas où, un second frein mécanique
pouvait être mis en oeuvre sur huit sabots.
Mais si un
enrayage survenait ? La solution,
préconisée, consiste à desserer le frein, rendre aux roues la
possibilité de retrouver leur rotation, puis de freiner
progressivement. On comprend bien sûr l'angoisse du mécanicien de
service devant couper le freinage dans cette situation d'urgence pour
mieux ensuite arrêter son convoi ! Un seul cas de dérive, sans accident
de personne est relaté...
freins
de sûreté Réal, tramway de Lausanne
Un frein de
secours, troisième système donc, à
n'utiliser que dans les cas
très extrêmes, on va rapidement comprendre pourquoi, faisait partie des
possibilités de conduite. Une plaque munie de trois griffes, un peu à
l'image
d'une charrue, est montée sous la voiture. En cas d'urgence donc, il
est possible de manière quasi instantanée de laisser cette plaque
tomber au sol. Sa disposition fait que l'engin vient alors s'appuyer
dessus. Et ce dispositif de charrue, utilisant une grande partie de la
masse roulante, remplit son office de...frein, c'est à dire de charrue
dans le sol. Efficace certainement ! Les quelques 60 passagers d'une
voiture savaient-ils que leur destin tenait à ces griffes, système
inventé par M. Réal ? Le Génie Civil
souligne l'efficacité des freins
en essais, mais ne dit rien sur ce dispositif précis et reste
muet sur l'état de la chaussée
derrière le tramway ! A t-il vraiment été essayé en situation ? Ou les
seuls essais exécutés furent-t-ils faits sur les longrines de
frottement en chêne ?
Frein
à griffes, Le Génie Civil
Le système à
griffes Réal était
connu des suisses, avec un usage sur
les matériels du tramway de Lausanne. Mais à Lausanne, malgré une rampe
maximale de 113 ‰ il n'y avait que
deux dents, alors que Rodez en possédait trois. Le constructeur suisse
des
voitures et motrices de Rodez utilisait également un autre système
mécanique assez similaire, et sûrement moins "rustique", le
système Pontaise : une plaque à griffes
tombe sur une longrine en chêne placée contre le rail, à l'extérieur de
la voie. Le frottement des griffes sur le bois assurait le freinage de
la rame. Le Bulletin technique de la
suisse Romande détaille le projet
de tramway de Lausanne, dont les déclivités ressemblent à celles de
Rodez. Il
existe là une contradiction entre l'article très documenté
de la FACS, indiquant pour Rodez un système Pontaise (plaque et
longrine de chêne mais à l'intérieur des rails), et celui du Génie
Civil décrivant de manière tout aussi documentée, un système Réal...Ce
dernier article précise toutefois l'emploi de longrine en chêne à
Rodez...En tout état de cause, les plans montrent bien le dispositif
(Réal ou Pontaise) sous les motrices à l'intérieur de la voie.
clap
de fin, 1922, ADA
Et
maintenant, que reste-t-il de ce tramway ?

Planche,
motrice 1, Le Génie Civil
Il a
disparu victime de son non succès, d'une faible fréquentation de
voyageurs, et des conditions économiques très bouleversées de cette
époque. Les calculs des gestionnaires furent rapidement mis en défaut.
Evidemment, aucune trace (locale...) du
matériel roulant, parti vers d'autres réseaux, comme Clermont-Ferrand.
Des motrices "Rodez" y étaient semble-t-il actives en 1953 !
Pour les
installations fixes, les ateliers de St-Félix et le garage des rames
sont encore des bâtiments faisant partie du quotidien. Reconvertis pour
diverses activités, leur architecture industrielle, mais soignée, les
signale sans difficultés aux promeneurs. Le grand bâtiment existant
était celui de l'usine électrique. La cheminée de la machine à
vapeur n'est plus là... Une prise d'eau existait depuis le ruisseau
voisin. Et il y
a également, en cette fin d'année 2014 d'autres témoins. La ligne
d'alimentation électrique installée pour l'activité était constituée de
fils de contacts soutenus par une kyrielle de supports. Il y avait des
poteaux, tous les 40 m en ligne, bien visibles sur les photos
d'époque ; ils ont totalement
disparu du paysage urbain. Mais là où il n'était pas possible de mettre
en place un poteau de soutien, trottoir trop étroit par exemple, une
potence, ou une agrafe était fixée dans le mur de l'habitation voisine.
En levant les
yeux, on retrouve une bonne quantité de ces restes métalliques à
6 m de hauteur sur les façades : plaques métalliques, potence avec
déport de la plaque, ou, mieux pour l'environnement, des éléments
moulés, un peu art-déco, des rosaces, qui devaient à leur tour
reprendre les
fixations des câbles. Il en reste un bon nombre, la plupart sans
utilité
actuelle, et certains reconvertis en supports de câbles de maintien de
lampadaires centraux. Les reconversions urbaines ont été très
nombreuses, les crépis refaits ou faits, et des habitaions et immeubles
nouveaux remplacent ceux du siècle passé. Cela est surtout vrai en
centre ville, sur les boulevards, où on ne retrouve presque plus ces
témoins d'un patrimoine technique oublié. Par contre, près de la gare,
et le long des premières avenues en montant vers le centre ville, on
peut parfaitement mettre le doigt (enfin, pas tout à fait ! ) sur ces
reliques. Il y a même des entrepreneurs qui en refaisant les crépis les
ont simplement noyés sans les retirer, mais la surépaisseur trahit bien
leur présence ! La galerie de photos que nous vous proposons reprend
presque la totalité des témoins, mais quelques uns ont échappé à notre
APN le jour du reportage, le 2 novembre 2014.
Un souhait ? Etre
lu, compris et que ces témoins
restent en place ; même si le tramway de Rodez ne fut pas une
opération
financière réussie, l'effort à le réaliser, et la nouveauté des
voitures avec leur plateforme fermée par exemple, une première en
France, méritent ce petit effort de sauvegarde. Prenez votre APN
(appareil photo numérique), et partez donc à la découverte du tramway
de Rodez !
Catalogue
Oerlikon, la décoration des motrices reprend les armoiries de rodez
1906
: une carte et toute la poésie du tramway de Rodez, l'édicule, le
matériel, la pente...
(postée
octobre 1906)
un
déraillement, carte très
partiellement colorisée pour souligner l'évènement !
En
savoir plus :
Le Génie Civil, n° 1072, 27 décembre
1902, pour une description générale
Le Génie Civil, n° 1089, 25 avril
1903, pour la planche de matériels
signalée dans le n° 1072
Bulletin
officiel, n° 2205, décret
33685 du 26 avril
1900, pour le cahier des charges et le décret de
concession
La Vie du Rail,
n°1233, 1 mars 1970, une courte synthèse
FACS, bulletin
n°85, 1968, un article très complet signé M. Jacquot, p.
3-26
Bulletin
technique de la suisse romande, 1907, (http://retro.seals.ch)
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Les photos rue Béteille du n°54 deviennent historiques ! Les immeubles
sont démolis en février 2019...






























