Oui, essayer de mieux comprendre quelques aspects de cette histoire minière. Ce nouveau chapitre 13 est une suite : sous la forme de billets indépendants, nous reprenons la forme du chapitre 6, et allons poursuivre ici la chronique, des compléments et réponses aux questions que nous n'arrêtons pas de nous poser, des questions fondamentales, et quelques autres plus anecdotiques...
sommaire, partie 1
(clic sur la ligne pour accès direct)
Le futur du passé, l'avenir minier du causse
Un(e) oolithe, qu'es aquo ? Une histoire de chocolat aux noisettes !
L'itinéraire militaire de François Cabrol, des canons aux forges
En campagne, Nicolas, François et quelques autres
Les diamants blancs de la Croisière Rouge
Jogues, plaque tournante du trafic
François Cabrol, les débuts, de Firmy à la Salle
Panier d'automne : un train au
Cruou, le legs d'Elie Cabrol, les mines lointaines de Cabrol et Cadiat
à Bertholène, le buste perdu de Firmi, La Salle et Lassalle, deux noms,
une famille
Nos coins préférés de recherche : les ressources de la médiathèque de Rodez, celles des Archives Départementales de l’Aveyron, celles de l'ASPIBD à Decazeville, et quelques autres...
Un train au Cruou ? Il s’en fallut de peu…
Le 24 août 1904, Monsieur Beaumelou, conseiller général, médecin, du canton de Salles Curan, fait à ses collègues au nom de la Commission des Travaux Publics rapport d’une question un peu délicate, que Monsieur le Préfet a cru devoir soumettre. Quelle est donc cette question pour que cette prudence soit de mise ? Il s’agit d’une demande de la Compagnie Commentry-Fourchambault et Decazeville : elle demande l’autorisation de substituer la traction mécanique à la traction par animaux sur la voie ferrée du chemin n°27, c'est-à-dire la route du Cruou. Cette voie était établie en accotement du chemin suite à un arrêté du préfet du 2 juin 1893. Nous avons présenté cette voie et sa genèse, par exemple dans le chapitre 6 du site.
Monsieur le Préfet évoque l’importance de la question pour l’avenir de l’industrie métallurgique à Decazeville (rien de moins ! ) et le grave intérêt qu’elle représente pour la population ouvrière qui y est occupée…Pourquoi donc grave ?
Les conseils municipaux consultés ont dit…non. Et bien d’autres
habitants avec eux. Pour leur part les conseillers généraux soulignent
les violations répétées faites par
La Commission avait donc proposé :
- de rechercher un terrain de conciliation.
- que la Compagnie s’engage à garnir de ballast l’entre-rail de la voie : cette négligence amène une saillie considérable des rails et provoque une concavité de la voie très gênante pour la circulation.
- de prier le Préfet de surseoir à tout nouvel arrêté
- de l’inviter à faire respecter les conditions de l’arrêté du 2 juin 1893.
La dernière proposition de la Commission est d’inviter communes et Compagnie à chercher ensemble une solution amiable.
C’est ainsi que les chevaux vont continuer jusqu’en 1911 à parcourir la belle vallée du Cruou, mais on aurait pu connaître une traction mécanique. Sous quelle forme ? Des locomotives ? La photo aurait été belle mais elle manquera. Il est vrai qu’une photo des chevaux au labeur dans le Cruou nous manque aussi*…
Cette demande non acceptée a pu être un des motifs d’installation du chemin aérien, mis en place quelques années plus tard.
Les legs d’Elie Cabrol à Decazeville, commune et fabrique
Elie Cabrol, fils de François n’est pas inconnu : nous avons sur ce site plusieurs fois évoqué l’artiste, qui écrivit beaucoup de choses, et particulièrement un ouvrage sur le viaduc de l’Ady. Cet hommage à son père permet de conserver une trace de ce beau pont. Si celui-ci a disparu faute d’une attention collective, tout n’est pas à jamais oublié.
A son décès, fin décembre 1905, le Journal de l’Aveyron mentionne cette disparition et annonce ses obsèques à Decazeville. Le parisien qu’était Elie Cabrol n’était pas totalement oublié dans le bassin, mais il n’était pas non plus une figure locale. On se souvient ici toutefois qu’à l’origine des tableaux du chemin de croix de Moreau, belle œuvre sur les murs de l’église, payés par lui, il avait tenu à ce que l’artiste reste méconnu. Elie Cabrol était presque mieux connu à Rodez, à la Société des Lettres Sciences et Arts de l’Aveyron. Fin décembre 1905, une semaine après l’annonce de sa disparition, le JdA, dans son édition du 31 décembre, publie un court texte pour signaler que le regretté défunt a fait par testament des legs importants : 40000 fr à la commune de Decazeville, une même somme à la fabrique, 20000 fr à la Société des Lettres…pour ne citer que ceux nous concernant directement. Le Journal ne publiera pas de texte pour rappeler qui était Elie Cabrol…
40000 francs, c’est une somme, mais…il y a un mais !
Elie Cabrol demande dans son testament que le legs de 40000 francs à la commune de Decazeville soit employé en rente française. Le capital restera inaliénable, et la commune aura seulement le droit d’en toucher le revenu. De plus ce revenu devra être destiné à contribuer pour moitié avec la fabrique à l’entretien de la chapelle de Miramont, de son enclos. A défaut, ou par inexécution, le capital reviendrait à ses héritiers.
Curieusement dans le même testament, il n’y a pas la même exigence pour la fabrique, mais il est fort possible qu’un texte semblable particulier la concerne…
Alors, que vont penser les destinataires élus de ce legs ?
L’accueil va être mitigé, très mitigé même, et pour tout dire assez froid. Le 14 janvier 1906, le JdA publie l’intégralité du testament, pour ce qui concerne la commune, sans commentaires. Le 21 janvier, nouvelle publication sur ce sujet avec la parution d’un billet d’humeur, repris de l’Aveyron Républicain, coincé entre une annonce d’adjudication de boues et celle de l’incendie de l’épicerie de M. Cussac. On note que le JdA ne s’en attribue pas la paternité, et se contente avec des guillemets de publier l’extrait sans ajouter la moindre lettre.
L’Aveyron Républicain évoque une possible décision négative de la commune de ne pas accepter le legs. L’accueil des élus n’est donc pas à priori quelque chose d’évident. Le revenu des 40000 francs sera en effet de 1200 francs. Est-ce suffisant pour couvrir les frais de la chapelle, connue aujourd’hui comme mausolée Cabrol ? La question est ouvertement posée. Même avec une participation égale de la fabrique, le sujet mérite réflexion. Que restera-t-il ?
Tout décompte fait la commune aurait au moins six
cent francs de rente annuelle. C’est peu encore une fois !
Serait-ce la première fois que faute de grives on se contente de
merles ?
Le journaliste va ensuite évoquer des circonstances plutôt favorables. Même si le terrain n’est pas reconnu très stable, il pense que la dégringolade n’est pas pour demain…
Et il poursuit avec une question plus abrupte, évoquant la position des élus.
Soyons franc ? Je vais vous dire où le bât blesse ces messieurs. Ils sont furieux contre
le donataire. En cela d’ailleurs, ils ne sont que l’écho de la plus
grande partie de la population (…) à leur place j’accepterai quand
même….Nous sommes pauvres ! Très pauvres ! Acceptons les dons
qui nous sont faits quelle que soit leur importance. Le vieux proverbe
patois nous y engage : s’il ne pleut pas, qu’il rousine.
L’histoire, les évolutions financières et économiques font évidemment qu’un siècle plus tard ce legs ne représente plus rien. Est-il d’ailleurs encore dans les mémoires locales ?
En 2013, la chapelle Miramont, c'est-à-dire le mausolée Cabrol, est un patrimoine que les élus veulent conserver. Un projet important initié par l’ASPIBD de rénovation, réfection et sauvetage est en cours, mené par la commune avec l’aide de divers partenaires institutionnels et privés.
Montgeron
◄ clic
Elie Cabrol possédait une importante
résidence, aujourd'hui disparue, près de Paris, à Montgeron, héritée de son père François. Est-ce Elie Cabrol qui pose sur cette
photographie de fin de siècle, vers 1900 ? Bien possible ! Et en
suivant, voici trois photographies prises par Elie dans
cette propriété : le photographe n'oublie pas la poésie ! Un beau
domaine, propice au repos, bien loin des fureurs métallurgiques du
Rouergue connues de François Cabrol...
La ville de Montgeron
a publié sur son site une belle page* consacrée à cette résidence.
L'article précise que le cliché réalisé par Elie Cabrol date de 1879.
On apprend aussi que François Cabrol avait acquis le domaine en 1875, et fait construire cette imposante
demeure après destruction de l'ancienne propriété. Elle fut ensuite
vendue en 1908, Elie Cabrol étant décédé en 1905. Il ne reste
actuellement plus rien de cette villa...
(* https://www.montgeron.fr/ma-ville/decouvrir/histoire/pp-parc-lelong/)
▲: le domaine de Chalandray et ses "villas" n'est plus ! Ce qui peut se découvrir de nos jours n'est en rien comparable....
▼▼ archives ASPIBD, le Parc de Chalandray, et une vue de détail de la villa
▲
Cette courte notice fut publiée en janvier 1906 dans la Revue mensuelle de l'Union aveyronnaise et de l'Union lozérienne. On remarquera évidemment le souci du rédacteur de préciser que sa fortune n'avait pas donné à Elie Cabrol une raison de se soustraire à la loi du travail. Et l'évocation de ses voyages comme travail ne manque pas d'humour...même si le propos est un peu réducteur.
L'Annuaire des Chateaux et des départements, qui liste en fin de 19 ème siècle tout ce qui compte comme notabilités, mentionne pour Elie Cabrol trois résidences : la rue Paul Baudry à Paris, le château de Camboularet et la villa Chalendray à Montgeron. Elie tenait ce patrimoine de son père François. Le domaine agricole de Camboularet en Aveyron, avec son imposante maison principale est essentiellement une source de revenus pour Elie. Cette ferme rouergate, qui fut avant la Révolution dans la famille Pomayrols de Villefranche, appartenait à Louis Joseph Costes, le beau-père de François Cabrol. Louis Joseph sera receveur départemental de l'Aveyron en début de siècle, et connaîtra quelques difficultés de gestion avec une créance importante dans une activité minière en échec en sud-aveyron. Un parent, Debord, cousin d'Elie Cabrol, assurera la gestion de Camboularet en milieu de siècle.
Les mines lointaines et voisines de François Cabrol et Nicolas Cadiat
François et Nicolas se connaissent, très bien. Le premier va chercher le second loin du Rouergue pour en faire un ingénieur en chef local. Il faut croire que Nicolas Cadiat va donner toute satisfaction car il sera en poste de 1842 à 1848, temps suffisant pour bien connaître les ressources locales. Février 1848 et les évènements connus vont voir le républicain Cadiat monter sur les tables et même se présenter aux élections, contre son député d’alors François. Il quittera le Rouergue. Nous avons évoqué tout cela ailleurs. Et pour terminer cette remise en mémoire, signalons que parti à Paris pour une carrière prestigieuse d’ingénieur, Cadiat va ainsi réaliser le pont d’Arcole en 1855, Nicolas se retrouvera face à François, non pour des joutes électorales mais pour des affaires industrielles…Car Nicolas Cadiat revient. Et même si physiquement il ne sera pas très présent, il devient sur le papier directeur des mines à…Aubin ! Quel pied de nez à François ! Voir son ancien ingénieur devenir maître des forges concurrent dans la vallée voisine ! Et qui plus est, avec le comte de Morny, qui n’est pas encore duc, et le comte de Seraincourt, autrefois proprement révolvérisé…
Il y a de la houille en Aveyron, et pas seulement dans le bassin. On sait depuis fort longtemps qu’il s’en trouve par exemple rive gauche de l’Aveyron au dessus de Rodez. Gages, Bertholène, Sensac… L’ingénieur des mines Blavier en 1804 connaissait parfaitement ces ressources, au point de soutenir les efforts de Passelac à Muret le Château pour sa fonte à la houille, minerai du causse et houille de Sensac.
La première incursion lointaine de Cabrol date de 1838. La date est intéressante. François Cabrol commence alors une deuxième carrière à Decazeville. Il a quitté les lieux en 1833, Decazeville n’existait pas sur le papier. Mais les effets de l’audit d’un actionnaire, Pillet-Will, l’avaient amené à démissionner. Il ne sera officiellement de retour que le 5 mars 1839 comme Directeur Administrateur et les pleins pouvoirs cette fois jusqu’en 1860. La ville est alors en place.
Une parenthèse : en 1834, le Directeur, nouveau et éphémère, de Decazeville est M. Costes. Il adresse au Préfet une notice de quelques pages décrivant les établissements de la toute nouvelle commune de Decazeville. Il conclut ainsi : nous ne terminerons pas sans rappeler que l’usine de Decazeville a été construite sur les plans de notre compatriote M. François Cabrol. Qu’il reçoive ici un témoignage de notre reconnaissance. On peut donc penser qu’il y a quelques regrets au départ de François Cabrol.
concessions demandées en 1850. Il y en aura d'autres en 1854
Le 25 mai
Bertholène
est connu pour ses richesses minières ? C’est donc sans surprise
que les deux industriels d’Aubin et
Decazeville apparaissent ici cette fois en 1850. Le 9 septembre
A Aubin la situation est plus récente. Peu avant la moitié du siècle, une usine à fer, celle de M. Riant est dans les cartons : 300 fours à coke, 6 hauts fourneaux et 6 trains de laminoir sont prévus. Après plusieurs péripéties, et quatre ans après les demandes précédentes, le comte de Seraincourt, principal actionnaire ici présent demandera une concession à Alboy, près de Rodez. Nicolas Cadiat, directeur va ainsi apparaître dans les textes officiels. Le 28 janvier 1854 il fait sa demande, qui sera publiée dans Le Palais, journal judicaire de l’Aveyron le 2 avril 1854. La demande est en fait antérieure, du 5 septembre 53, mais avait été jugée irrégulière dans la forme. La Compagnie Minière et Métallurgique du bassin d’Aubin renouvelle donc sa demande. La motivation est simple : alimenter les hauts fourneaux pour les laminoirs et ateliers d’Aubin et de Viviers. Cadiat évoque la proximité des mines de Cadayrac, propriétés de la Compagnie. Et donc la possibilité de descendre à bon compte houille et minerai vers Aubin, sauf qu’en 1854, il n’y a pas de voie ferrée pour cela. Elle ne sera en place jusqu’à Rodez qu’en 1860, mais avec une autre Compagnie, l’Orléans après la déconfiture d’Aubin et sa reprise. Cadiat ne manque pas de souligner que l’étendue de la vallée de l’Aveyron lui permettra sur place d’y apporter toutes les industries auxquelles le fer et le charbon servent d’aliments. Pour Rodez, ajoute-t-il, ce sera une réduction considérable du prix du charbon qui s’y consomme.
La procédure a vraisemblablement été conduite à terme car les
affiches officielles de consultation publique que la loi de 1810
prescrit sont bien imprimées…La demande porte précisément sur les
communes de Concourès, Montrozier, La Loubière, Ortolès, Lioujas,
Pailhorès et Bozouls. Il y en a pour 23 km2 et
En 1859, ce sera la Compagnie d’Orléans qui vient d’hériter d’une grande partie des actifs d’Aubin, dont les concessions, qui s’active toujours au même endroit, Alboy.
François et Nicolas, à des époques différentes, avaient donc les yeux tournés vers Rodez.
Buste François Cabrol, Firmi, ne me quitte pas….
Ne me quitte pas, c’est peut-être ce qu’ont pensé quelques firminois en voyant le massacre se perpétrer. Fin 1941, ou début 1942, l’entreprise Nadal de Toulouse est en train de récupérer le buste en bronze du Maître des Forges. On ne le reverra plus….
Retour sur le passé.
Nous connaissons tous la statue de François Cabrol, celle de Decazeville. Œuvre de Denys Puech elle fut installée le 29 septembre 1895. Le même sculpteur a également réalisé un buste d’Elie Cabrol et une médaille, deux œuvres enfouies on ne sait où…
Quelques années plus tard, à Firmy, selon l’orthographe de l’époque, la Société mixte de tir, La Revanche prend l’initiative d’un monument à la mémoire de François Cabrol. Ce n’était évidemment que justice, là même où le premier haut-fourneau fut en service. Un monument c’est deux éléments : un buste pour ce qui nous concerne, et le piédestal.
Le buste est offert par Elie Cabrol, et c’est l’histoire de ce buste que nous allons retracer. Le piédestal sera l’objet de financements divers.
Mars 1903, un premier contact... (document ASPIBD)
Emanation du 124ème territorial en caserne à Rodez, cette société de tir n’imaginait sans doute pas les difficultés qui vont se présenter. Elle va évidemment s’adresser aux deux institutions concernées : la Compagnie Commentry et la municipalité de Firmi.
Commençons par cette dernière.
Le premier courrier au Maire est signalé en conseil municipal le 15 janvier 1903 et on va voir que la réponse des élus est disons…embarrassée ! Pour la forme, et c’est assez amusant et peut être significatif d’une certaine distance au projet, le secrétaire de mairie dans son compte rendu officiel utilise le prénom d’Elie au lieu de François. Une surcharge de la délibération remet les choses en ordre. La Société demande donc l’appui du conseil pour une souscription publique devant couvrir les frais du projet. Après délibération, voici la lettre envoyée au Président de La Revanche.
Monsieur le Président,
J’ai l’honneur de vous transmettre
les réflexions qu’a suggérées au Conseil Municipal votre demande de
participation à l’édification d’un monument pour glorifier la mémoire
de feu Elie François Cabrol.
Le Conseil est loin de méconnaître
les services rendus à notre pays par l’ingénieur Cabrol. Il vénère
profondément cet homme d’initiative et de progrès, et serait heureux de
voir lui donner un éclatant témoignage de sa pieuse reconnaissance.
Mais la situation budgétaire de la
commune ne permet pas en ce moment de consacrer la moindre somme à
cette œuvre, ce qui serait nécessaire pour provoquer la générosité du
public et donner au fils une preuve
manifeste de la vénération que nous professons pour le père.
Le Conseil regrette donc que les
premières démarches aient été faites sans prendre son assentiment, ce
qui aurait permis de s’entendre sur l’opportunité du moment où cette
initiative aurait pu venir utilement sous les meilleures conditions de succès et de glorification.
Quant à l’emplacement à choisir, le
Conseil ne peut prendre de décision sans connaître le plan et la nature
du monument.
La Société de Tir ne s’attendait sans doute pas à cette réponse…
Le 28 janvier le Conseil va toutefois faire une offre de terrain.
Il faudra attendre le 26 juin 1904, un an et demi plus tard donc pour que le Conseil confirme la possibilité d’érection du monument à la Forésie. Il engage la société de tir chargée de préparer cette érection à hâter les travaux le plus possible pour que l’inauguration ait lieu sans retard.
Un an plus tard, le 16 juillet 1905, le Conseil accepte le don du monument, offre faite par la société de tir, en remarquant que ce monument embellira le quartier et que l’acceptation n’entraînera aucune dépense pour la commune.
Curieusement nous n’avons plus trouvé trace de ce monument dans les délibérations suivantes. Que fut en 1906 l’inauguration, le budget total ?
Le 27 novembre 1955 le Conseil est informé que le Président du Stade Firminois souhaite le remplacement du buste. Celui-ci a donc disparu. En effet on rappelle aux conseillers que le 13 novembre 1941, la commission spéciale départementale chargée de déterminer les monuments et les statues métalliques devant être conservés, …décidait que le buste de l’ingénieur Cabrol serait enlevé par le service de récupération des métaux non ferreux. L’entreprise Nadal de Toulouse a assuré cet enlèvement. François, pour son bien apparemment est donc parti pour d’autres cieux, à moins que ce ne soit pour d’autres forges…
Cette affirmation du conseiller laisse le problème entier. Le buste n’est plus là, mais qu’est-il devenu ? Est-ce pour les besoins de récupération de cuivre, objectif que la commission poursuivait en application d’une loi du régime de Vichy, ou pour une sauvegarde, comme indiqué en 1941 ? La date pourrait d’ailleurs être plus tardive, en 1942, après la loi du 26 janvier. La loi prévoyait effectivement une commission départementale destinée à établir la liste des dérogations…
Le Conseil propose deux choses : déplacer le piédestal, qui doit commencer à gêner, et écrira au Ministre des Beaux Arts pour le remplacement du buste.
Le 22 janvier 1956 le Conseil décide d’enlever immédiatement le piédestal et de l’entreposer en attendant un emplacement définitif. Aucune information n’est donnée sur le buste.
Seconde étape : la position de la Compagnie Commentry-Fourchambault et Decazeville.
Le 22 mars 1903 le Président de la Société de Tir demande un rendez-vous au Directeur local de la Compagnie. Le 22 janvier 1904 une demande de fonds est officiellement formulée. Le 3 janvier 1905 le Directeur local écrit au Directeur général pour proposer une somme de …100 francs. Pour information, le Compagnie avait participé pour 600 francs lors de la mise en place de la statue de Decazeville, sur un budget total de 7000 francs.
On sait que le budget de construction du socle et des frais d’inauguration était de 2500 francs. La souscription publique avait permis de recueillir 1500 francs.
Compte tenu de l’impossibilité de la commune de verser un franc, il manque donc 900 francs…Nous n’avons aucune idée du règlement final du dossier.
Il reste donc quelques inconnues, mais il y a également dans ce billet quelques certitudes. Première certitude : le buste était en bronze, ce que la photo de M. Georges peut suggérer. Si cette photo a été faite avant la mise en place du buste, ce qui est fort probable, on peut donc la dater de 1905-1906. Une énorme incertitude : quel était l’auteur du buste ? Et une autre incertitude : si le buste a été déposé pour être conservé, soixante-dix ans plus tard, qu’en est-il ?
Seul vestige apparent, le piedestal du monument, plus d'un siècle plus tard. Les coulures verdâtres ne sont pas sans intérêt !
Il mérite un
sauvetage...
L'énigme !
Alors ? On est où ?
Rappel : nous avions, mais avec les réserves qui s'imposaient, supposé que le buste de Firmi, mis en place en 1906 suite à l'action de la Société de Tir locale, et disparu en 1942, était le beau buste noir de la photo…
Le sujet s'annonce un tout petit peu plus compliqué. Le travail et la mise en place de l'Exposition sur François et Elie Cabrol (voir la page spéciale consacrée à la manifestation de l'été 2015) permettent à quelques vérités de voir le jour. C'est ainsi que ce fameux buste s'est montré dans toute sa splendeur un jour d'octobre 1981, lors de la venue du Premier ministre Pierre Mauroy à Decazeville. Les photos de presse en témoignent : un buste fort ressemblant est en place dans la salle de réception…Celui de Firmi ? Une copie ? Une autre copie en plâtre ? En marbre ? Toutes ces hypothèses peuvent être d'actualité en 2015.
Il reste donc quelques questions : où peut-il donc être, depuis 1981, ce buste noir ? Si une réponse se fait jour, vous aurez la réponse sur ce site ! Et si cette réponse pouvait être d'actualité en 2015, ce serait une sorte de devoir civique à accomplir pour l'Année européenne du patrimoine industriel et technique.
Le Premier Ministre, Pierre Mauroy, à Decazeville en octobre 1981.
La sculpture offerte est une oeuvre de Fernand Brassac. Et sur la cheminée ?
En 1976, le maire Yves Roques, lors d'une interview par JP Terray pour FR3 (document INA) : le buste était présent...
En 1962, , le maire Yves Rouquette
Sur la cheminée ?
► Un complément à cette information est : ICI ◄
Comme son illustre collègue, la tombe de Nicolas Cadiat, au
Père Lachaise à Paris, a perdu son buste...
Nicolas Cadiat, après son passage en Rouergue, réalisera, parmi bien d'autres, un bel ouvrage, le pont d'Arcole à Paris. Il utilisera à cette occasion des rails Barlow de Decazeville. Il sera également, républicain dans l'âme, directeur à Aubin, la vallée concurrente, après son "éviction" decazevilloise ; François Cabrol n'avait pas le même enthousiasme que son ingénieur pour la république de 1848...
De
Charybde en Scylla, ou de
Un château ici ? La Salle, Lassalle, une famille
Scylla, en haut, et Charybde dans les
profondeurs. Chacun connaît ces deux
dangers. Ici la situation est presque semblable. Le château de
Antoine Joulia est le personnage central de cette histoire. Né
en 1610 il est originaire d'Anhac, près de Flagnac à quelques lieues
des bas fonds de
▼ généalogie simplifiée
Dans
ces lignées, nous retrouvons Jean Balthazard Joulia de Lassalle,
souvent nommé de Lassalle, laissant le patronyme Joulia non usité.
Balthazard sera en 1804 attributaire d'une concession de houille. Il
habite alors le château. Son frère Jean-Louis l'accompagne dans cette
activité en devenir. La concession impériale figure sur une moitié de
page du Bulletin des Lois du 12 novembre
1804, avec le numéro 400. Coïncidence ou clin d'œil de l'histoire,
cette même page fait état, sous le numéro précédent, 399, du décret
accordant au sieur Passelac la possibilité de mettre en place au bas de
la cascade de Muret le Château son usine à fers, en employant la
houille, et non le bois. On sait, nous l'avons décrit ailleurs sur ce
site, que cette installation, bien qu'éphémère et sans suite sérieuse,
fut toutefois la toute première installation métallurgique digne de ce
nom en Rouergue, signant à Muret une naissance qui allait ensuite se
développer avec des moyens bien différents à
La concession de Balthazard, dite de Lassalle, Miramont et
Lagrange est importante, 20 km2 est-il précisé,
Le château de La Sale, en 1835, et croquis de localisation, au droit du plan d'eau actuel de la Découverte
◄ clic
Le château
est habité en 1803. Les deux frères Jean-Louis et Jean Balthazard vont
essayer de faire vivre cette concession, sans grand succès, mais c'est
un vrai début d'industrialisation de quelque envergure. Apparemment
ruiné, Balthazard vend le château et une partie du domaine en 1815,
Jean-Louis se séparant à cette occasion de son frère, l'accusant de
vendre le patrimoine familial. Ce qui est d'ailleurs parfaitement le
cas. Balthazard va alors vivre à
En 1825 et 1826, les deux frères vendent leurs parts de
concession au duc Decazes, en étant totalement ravis de pouvoir se
séparer de ce fardeau, et récupérant au passage quelques liquidités. Le
duc sera pour eux, dit Balthazard le sauveur de leur
vie. Trois ans plus tard, en 1829, le domaine de Lagrange et ses
La famille Joulia, sieur de
Travers-bancs…sur les concessions…..un long
chemin tranquille ? Ou une partie de Monopoly ?
Nous allons
retrouver Elie Decazes, Joseph Decazes, Ours Dufrénoy, François Cabrol,
Nicolas Cadiat, Brassac St Parthem, Manheric et quelques autres. Ces
pépites poussiéreuses mais précieuses apportent des confirmations et
éclairages historiques incontestables. Ce travail repose sur une
analyse détaillée de documents d'archives privées très récemment
remontés à la surface, analyse qui va permettre de préciser la
connaissance que nous avons de ces concessions, de leur genèse, comme
de celle de
Les travers-bancs permettent de relier des
sites d'exploitation miniers. Ils étaient peu ou pas présents sur le
causse Comtal, où l'exploitation et le roulage, se faisaient à
l'intérieur même des couches productives. Nous allons ici creuser de
semblables liaisons entre nos mines du causse et certaines autres
concessions, à l'autre bout de
Nous avons eu l'occasion sur ce site d'évoquer
à plusieurs reprises des concessions minières, comme celles de fer du
causse Comtal. Une concession n'est pas un cadeau. Elle nécessite une
demande, une pétition, à la suite de laquelle une procédure quelquefois
très longue mettra un terme : l'attribution par la puissance publique.
C'est essentiellement sur la base de la loi d'avril 1810 que nos
rappels historiques sont faits, la quasi-totalité des concessions
concernées ayant été attribuées par application de cette loi.
"Art. 17. - La propriété
étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce
n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige
évidemment et sous la condition d'une juste et préalable indemnité".
Le 27 janvier 1804, une loi va
poser les bases de cette propriété. L'article 552 de notre Code Civil
actuel en est directement issu :
art
552. La propriété du sol emporte la propriété du dessus et
du dessous. Le propriétaire peut faire au-dessus toutes les plantations
et constructions qu'il juge à propos, sauf les exceptions établies au
titre "Des servitudes ou services fonciers".
Il peut faire au-dessous toutes les constructions et
fouilles qu'il jugera à propos, et tirer de ces fouilles tous les
produits qu'elles peuvent fournir, sauf les modifications résultant des
lois et règlements relatifs aux mines, et des lois et règlements de
police.
L'heureux propriétaire d'un sol est donc le
propriétaire de l'espace au dessus, sans limites (!), avec les étoiles
le cas échéant, et du dessous, limité au centre de la terre (!!). Ceci
dit, cette propriété est assez théorique. Les ressources souterraines
sont généralement considérées comme des biens collectifs. A ce titre
l'Etat se réserve le droit de donner les autorisations d'exploitations,
et d'attribuer les concessions. Cet acte permet à son attributaire de
posséder alors une concession, propriété
entière bien distincte de celle de la surface. Le propriétaire de
celle-ci reçoit pour sa part une indemnité, différente d'ailleurs selon les mines, les profondeurs
d'exploitation… Habituellement cette propriété de concession amène la possibilité de créer des mines. On
notera au passage qu'une mine ne se définit pas par rapport à la
géographie, surface ou sous-sol, mais par référence à une liste de
matériaux : la houille est sur cette liste, le fer également, et donc
leur exploitation est du ressort des textes miniers. Une mine peut donc
être parfaitement superficielle, et une carrière, pour les autres
matériaux non miniers, parfaitement souterraine … Le fameux litige du
causse entre Aubin et Decazeville, gagné par F. Cabrol après des années
de procédures se déroule sur cette notion de mine et minière
superficielle. Il est important de comprendre que la propriété d'une
concession, comme toutes les propriétés, est à cette époque, sans
limite de durée. Elle peut de plus être vendue, héritée, cédée…contre
rétribution bien sûr. Et il y a même des cas où le pétitionnaire vendra
sa concession future (non attribuée ! ) : une opération purement
spéculative, être le premier, obtenir la concession et s'en
débarrasser ensuite avec plus value. Une partie de Monopoly ? Ce fut le
cas plusieurs fois, à Firmy et à Combes.
L'exploitation se situe évidemment à l'intérieur des limites de la concession. Si
la progression des travaux exige de les dépasser, il y aura une
nouvelle procédure. C'est ainsi qu'en 1907, Commentry devra acquérir la
concession de Muret, propriété d'Aubin, sur le causse pour pouvoir
développer et poursuivre vers l'est ses travaux des Espeyroux. A
Decazeville et Aubin les situations sont nettement plus complexes :
proximité de multiples concessions, pour de la houille ou du minerai de
fer, proximité qui peut parfaitement être superposition. Sont également
directement concernés tous ceux qui sont présents, avant toute
concession. Ces propriétaires exploitants, à priori autorisés et payant
redevance, mais il y a des illicites et clandestins, font valoir leurs
droits, comme le font ceux qui ont acheté ces droits.
Vous suivez ? C'est
quelquefois bien plus compliqué que les plans de mine ! Dans plusieurs
cas, nous avons rencontré des rapports d'ingénieurs des mines employant
le mot confus…Il y a même des cas où l'administration avoue ne pas
pouvoir établir les origines !
Ce long préambule nous permet d'introduire
quelques péripéties procédurales. Ce sera l'occasion de mieux faire
connaissance avec les personnalités des uns et des autres, de leur sens
des affaires. Nous allons également rencontrer dans les dossiers de
1825 un albigeois pour nous incontournable, et un géologue célèbre, en
découvrant des lettres de première main, celle du Duc, qui vont
confirmer nos connaissances historiques sur la création des établissements.
Il n'est évidemment pas question de
développer ici l'histoire des 25 concessions, dont 7 de fer. Seules
sont évoquées celles pour lesquelles des dossiers consistants
permettent un rapprochement avec le causse Comtal et nos
préoccupations.
duc de Cazes et de Giuk-Burn ???
Concession du Négrin, et Ruhle
Sur le site de Ruhle, les forges d'Aubin seront
impliquées, demande faite le 4 juillet 1857, en concurrence avec la
demande de Calvet Rogniat le 14 juillet
Concession de
Lacaze et Fontaines
Cette demande en date du 22 juin 1833 est
signée Van Brienen, régisseur-caissier chargé de l'intérim
de la direction de
La concession demandée touche à celle de Sérons
et Palayret, propriété du duc. Le directeur par intérim justifie sa
demande par la proximité de ses exploitations. Accordée le 8 mai 1836,
elle donnera lieu à litige devant tribunal. La procédure sera conduite
par un autre directeur, James Bourdillon, en juillet 1837. François
Cabrol est toujours absent…
Concession de
houille de Lassalle, Lagrange et Miramont
Cette concession appartient à Joulia de
Lassalle. On connaît l'amusante histoire de sa surface : l'ordonnance
du 21 brumaire an 13 (novembre 1804) fait état, article 1, d'une superficie (ahurissante ! ) de vingt
kilomètres carrés. Joulia de Lassalle, ne demandera officiellement
rectification que le 1 novembre 1818.
Cette rectification à
La concession est vendue par les frères
Lassalle au duc Decazes le 17 octobre 1825 pour 100.000 francs. Comme
souvent un litige apparaît, concernant les droits de Balsa de Firmi sur
ces terrains. En 1843, de retour aux commandes, François Cabrol aura à
connaître de ces problèmes d'occupation préalable, remontant à 1807
pour certains.
Demande en concession de Combenègre, pour du fer.
Concession peu connue et peu exploitée, près de Villefranche de Rouergue.
La demande est faite par Théodore Decazes, au nom du duc.
Concession de
Sérons et Palayret
Ce dossier est très instructif. Il va nous
permettre de comprendre la mécanique exacte, et ici
une peu surprenante, menant à concession. Les droits premiers sont ceux
de Donzac, qui vend les charbonnières à Delsol le 22 septembre 1816.
Le 2 mai 1825 une demande de concession est
faite par le duc Decazes.
Dans sa pétition transmise au comte d'Arros,
préfet de l'Aveyron, et datée de Libourne le 2 mai par le fondé de
pouvoir général du duc Decazes, celui-ci
en 28 lignes seulement fait part de son intention d'obtenir concession
des terrains du Lot à Firmy, autres que la concession de Sérons déjà sa
propriété. Sa motivation est de donner un grand
développement aux richesses en ce moment abandonnées… Il demande
donc 1° toute la portion du
terrain houiller du canton d'Aubin, autre que celui occupé par la
concession Lassalle et Sérons (…) comprenant Cahuac,
Il n'est pas interdit de constater d'une part
l'importance de cette demande, et d'autre part une forme juridique
disons…légère.
Le paragraphe suivant de la pétition est tout
aussi important. Sa Seigneurie demande permission
2) d'élever en y employant environ
1.500.000 francs trois et un plus grand nombre de hauts fourneaux à
La dernière phrase précise Le tout à la charge de S.S. de payer les droits…
Au dos de cette copie de lettre, 9 lignes :
Albi,le 23 mai 1825
Monsieur et Cher Collègue
J'ai l'honneur de vous envoyer la
requête que je me suis chargée de vous faire parvenir. Je vous prie
d'en ordonner l'enregistrement et l'envoi à Monsieur L'Ingénieur en
Chef des mines. La carte annoncée n'est pas jointe mais j'aurai soin
qu'elle soit envoyée incessamment à Mr D'Aubuisson.
Mon frère qui aura l'avantage de
vous écrire désire qu'en attendant vous veuillez faire remplir
seulement le préalable de l'avis de l'Ingénieur en Chef qui le mettra à
même de faire, s'il y a lieu, compléter ou rectifier sa demande et
qu'il ne soit procédé aux affiches que lorsqu'il s'en sera entendu avec
vous,
agréez,,,
le comte d'Arros, Préfet de l'Aveyron, n'a pas
laissé de commentaires écrits, et transmet comme il se doit à
l'Ingénieur en Chef à Toulouse, le 28 mai.
Nous pouvons remarquer ici que cette demande
est bien curieuse. Dans sa forme, elle ne respecte rien, nous allons
pouvoir le constater un peu plus loin, et on notera une implication
très officielle d'un préfet dans une entreprise parfaitement privée,
dans laquelle son frère est pleinement concerné. Le préfet du Tarn
Joseph Decazes écrit à son Collègue, et précise même
au cas où ce ne serait pas bien compris, l'urgence de transmettre, même
sans carte jointe (!), et de préparer l'avis de l'Ingénieur.
L'Ingénieur en Chef de Toulouse est alors Monsieur d'Aubuisson de Voisins. Natif de
Toulouse, il est en poste depuis 1811. Il connaît parfaitement les
ressources rouergates et les hommes. Géologue, il publia en 1825 dans
un domaine autre des Considérations sur l'autorité royale et sur
les administrations locales. Il n'ignorait rien des
procédures minières et avait un sens très aigu du respect des lois. Sa
réponse au préfet de l'Aveyron est datée du 4 juin
Toulouse le 4 juin 1825
à Monsieur le Préfet de l'Aveyron
Monsieur le Préfet,
J'ai reçu avec la lettre que vous
m'avez fait l'honneur de m'écrire le 28 du mois dernier, la pétition
par laquelle M. le Duc de Cazes demande la concession des houillères du
canton d'Aubin.
Conformément à votre lettre, j'ai
examiné les pièces jointes, et, malgré les égards dus à la haute
dignité du demandeur, je ne pense pas que dans son état actuel elle
puisse être admise et affichée : des données très importantes exigées
par la loi et les règlements y ont été omises et doivent être ajoutées.
L'instruction ministérielle du 3
août 1810, pour l'exécution de la loi sur les mines du 21 avril même
année, veut que les pétitions en demandes de concession indiquent l'étendue
de la concession demandée, les indemnités offertes aux propriétaires
des terrains et à celui qui a découvert la mine (A, p 2). Aucune de
ces conditions essentielles n'est remplie.
La première l'est bien il est vrai
par approximation mais elle doit l'être d'une manière précise, il faut
que la pétition porte l'indication formelle des limites. sans cela les
propriétaires des terrains qui pourraient être lésés dans la concession
demandée et qui seraient en droit de faire des réclamations, ne
sauraient pas si leur terrain ou telle partie de leurs terrains y est
enclavé et la loi serait éludée.
Il n'est rien dit de l'indemnité
due aux propriétaires de la surface ; cependant d'après les art 6 et 42
de la loi précitée, tout propriétaire d'un terrain sur ou sous lequel
une exploitation a lieu a un droit sur le produit de l'exploitation et
ce produit est réglé par l'ordonnance de concession. Le demandeur fait
dans sa pétition une offre à cet égard (tant par hectare de terrain).
Les propriétaires font leurs observations ou réclamations sur cette
quotité et le gouvernement se prononce.
Il n'est encore fait aucune offre à
ceux qui ont découvert la mine demandée en concession, ni à ceux qui
les exploitent actuellement, et cependant ces exploitations sont
reconnues par le Gouvernement, qui les soumet annuellement à redevance.
Les trois déclarations préalables
que tout demandeur en concession est tenu de faire, doivent être à plus
forte raison faites et exigées dans ce cas où il ne s'agit rien de
moins que de changer tous les usages d'un pays, de prendre sur des
droits déjà reconnus, de donner à un concessionnaire une propriété que
les habitants ont toujours regardée et regardent encore comme la leur,
d'introduire le régime (d'ailleurs convenable) des concessions dans une
contrée où il est en défaveur, et d'où il a été même une fois repoussé
avec violence. Il faut dans une affaire aussi délicate, que toutes les
formalités voulues par la loi et les règlements soient exactement
remplies.
En conséquence, je vous prie de
communiquer les observations ci-dessus au pétitionnaire, en lui
renvoyant sa pétition avec invitation d'y suppléer les trois articles
sus mentionnés. Vous pourriez lui faire observer 1° qu'il est dans son
intérêt de demander en même temps la concession du minerai
de fer contenu dans le terrain houiller qu'il a désigné. Car le
droit d'exploiter un minerai n'emporte pas celui d'en exploiter un
autre dans le même terrain. 2° que sans une demande en concession de
mines, ce qui concerne les usines est donc d'usage et superflu.
Dès que la pétition avec les
augmentations ci dessus vous sera revenue, veuillez m'en faire le
renvoi ; et je dresserai de suite et conformément à l'art 24 du décret
du 18 9bre 1810, le projet d'affiche.
Au reste, d'après la forme et
teneur de la pièce qui vous a été adressée, il me parait qu'on a moins
en vue de faire une demande en concession en forme, que de s'assurer un
droit de priorité. D'après cela, votre lettre de renvoi, servant en
même temps d'accusé de réception (s'il n'a été déjà fait) porterait que
vous accueillez le fonds de la demande et que vous désirez seulement
qu'il y soit fait quelques additions nécessaires à sa publication.
L'ingénieur en chef des mines,
signé
d'Aubuisson du Voisin.
Il n'y a rien à ajouter, copie à refaire donc,
du début à la fin ! Parmi les remarques faites, il en est une très
juste, celle de l'absence de demande en concession du minerai de fer.
Si on souhaite comme il était dit investir dans des hauts-fourneaux il
faut…du fer ! Cette évidence semble avoir échappé à cette date au
duc…Mais il n'en est rien, bien sûr ! L'affiche
publique du 27 septembre 1825 qui sera imprimée pour cette demande de
concession est signée Théodore Decazes, par procuration du duc. Dans sa
pétition en date du 24 juillet, il tient évidemment compte des
remarques. Un long paragraphe, inhabituel en la matière, justifie cette
demande et essaie dans la mesure du possible d'annuler toute
résistance.
Il y avait donc des usages
dans ce pays, comme le souligne M. D'Aubuisson. Les oppositions à la
demande existent. Le duc est déjà présent, et on craint que les usines
n'absorbent par exemple la totalité des charbons. Il y a en place un Directeur général des mines de houille et de fer, et des
forges et usines appartenant à M. le duc Decazes. Ce directeur est
J.J. Lecour. l'entreprise industrielle formée par lui et le duc dans ces contrées rencontre des oppositions et nécessite
un article de Lecour dans le Bulletin de l'Aveyron du 17 novembre
L'ordonnance de concession est prise le 9
janvier 1828. Elle mentionne la demande du duc en date du 24 juillet
Au-delà des péripéties administratives, nous
retenons la présence attestée de Joseph Decazes en
mai 1825, comme celle de Dufrénoy. C'est à
notre connaissance la première apparition publique du
préfet dans le dossier, ainsi que celle du célèbre géologue.
L'explication de texte est donc la suivante.
Entre le 4 juin et le 24 juillet, Elie Decazes
s'est évidemment activé, pour reprendre sa copie et formuler de manière
plus orthodoxe sa requête. Il lui faudra un mois pour reprendre ce
travail. Le 11 juillet une longue lettre à M. D'Aubuisson est envoyée
depuis Alby. Sa lecture permet de mieux comprendre
l'action du Duc. Il y a d'abord, dès la première phrase, l'apparition
de Ours Dufrénoy. Sur ce site il y a un billet le concernant. Rappelons
simplement que ce géologue qui fut à l'origine de la carte géologique
de
Cette lettre du 11
juillet confirme la volonté première,
faire de la fonte. Vendre du charbon est même écrit-il un objet
fort accessoire…Rédigée depuis Alby, l'implication de son frère
dans cette création industrielle est donc parfaitement attestée. Il est
de ces amis qu'évoque Elie, futur industriel et déjà
entrepreneur. Il n'y a pas par contre mention de Lecour, qui se
présente trois mois plus tard comme son directeur général….
11 juillet 1825
à Monsieur d'Aubuisson de Voisin à
Toulouse,
Monsieur Dufrenoy veut bien se
rendre auprès de vous, Monsieur, pour vous soumettre les projets de
requête que je me propose de présenter pour mes établissements futurs
d'Aubin et de Villefranche et qui ont été rédigés d'après les
observations contenues dans vos lettres du 23 juin dernier à Mr le
Préfet aux quelles je me suis conformé autant que j'ai pu. La vente du
charbon étant pour moi et dans le but que je me suis proposé un objet
fort accessoire, voulant d'ailleurs léser aussi peu que je le pourrai
les intérêts privés, j'ai réduit ma demande de concession et l'ai
limitée au territoire indispensable pour la consommation et la sûreté
des usines que je me propose d'élever. Je propose même, comme vous le
savez par la minute de ma demande, de laisser les exploitants actuels
continuer leurs exploitations si je n'ai
pu parvenir à traiter avec eux comme je l'ai fait avec ceux de
Lavaysse, du Crol, de Lavalserie, de Lamartinie, de Palayret, de
Fraysse, Sérons, le Poux. Je pourrai encore
comme je vois qu'on l'a fait pour la concession des houillères du Var
(ordonnance du 30 avril 1823) m'engager à fournir à ces exploitants
s'ils étaient privés de leurs exploitations une quantité déterminée de
charbon soit au prix d'extraction soit pour rien pendant la durée des
travaux possible dans leurs fonds.
J'aurai d'avance traité avec tous
comme je l'ai fait avec quelques uns, si la connaissance de mes projets
n'avait pas élevé tout à coup leurs prétentions d'une manière ridicule.
On avait effrayé quelques personnes
par l'idée de monopole et d'une augmentation du prix du charbon. Je
crois avoir rassuré tout le monde aujourd'hui sur mes intentions
positives de ne pas augmenter ce prix, mon offre de laisser exploiter
les permissionnaires actuels, prouvant encore plus combien je suis loin
de cette pensée.
Une entreprise aussi vaste que
celle que je me propose de former avec quelques amis, a besoin de
l'appui du Gouvernement et de sa justice. Je n'aurais jamais songé à
l'entreprendre, si elle ne m'avait donné l'espoir de rendre un grand
service à mon pays et à celui où j'ai fait ces acquisitions. Je ne peux
espérer d'atteindre mon but, Mr, qu'autant
que vous voudrez bien m'aider de vos conseils et de votre
bienveillance. J'ose la réclamer pour un établissement aussi utile qui
vous devra une grande partie de sa prospérité si vous voulez bien lui
accorder votre protection.
Agréer, Monsieur…..
Alby, 11 juillet 1825,
signé le Duc Decazes
PS
Si vous le jugez utile ou convenable j'ajouterais à ma
demande l'engagement de ne pas augmenter le prix du charbon pour la
consommation locale.
Monsieur l'Ingénieur d'Aubuisson, qui a compris
toute la complexité du dossier comme son importance, répond le 12
juillet, le lendemain ! Cette rapidité est peut-être due à la présence
de Dufrénoy, camarade géologue de d'Aubuisson, qui s'est chargé
apparemment de porter le courrier et négocier les points administratifs
qui auraient pu retarder la publication de l'affiche.
12
juillet 1825
Monsieur le Duc,
Vous avez été trop bon de me donner
dans la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, des détails
sur votre future entreprise, ainsi que sur les sentiments de justice,
je pourrais dire de générosité envers les exploitants du canton d'Aubin.
Je me ferais un vrai devoir, si je
le pouvais, de concourir à l'exécution de la vaste entreprise que vous
projetez, entreprise d'un grand intérêt dans le rapport de l'industrie
nationale, et qui ne peut qu'augmenter le bien-être du pays ; et ce
devoir je remplirais avec zèle, et avec les moyens qu'une assez longue
expérience peut m'avoir donnés. Je voudrais pouvoir vous aider à lever
les nombreuses difficultés que j'entrevois, non sous le rapport
administratif, car il n'apparait y en avoir aucune, mais sous le
rapport de l'art.
Dans les premiers moments, je n'ai
eu à juger que de la forme, et en vraie machine exécutoire des lois et
règlements, j'ai travaillé à y rendre vos demandes entièrement
conformes. Je me suis expliqué avec mon camarade M. Dufrenoy sur cette
conformité. Dès que ces demandes me seront renvoyées par M. le Préfet,
je dresserai le projet d'affiches.
J'ai l'honneur d'être avec la
considération la plus distinguée, votre très humble et très obéissant
serviteur
D'Aubuisson de Voisin,
Ingénieur en Chef des mines
Toulouse le 12 juillet 1825
A
Monsieur le Duc de Cazes
La machine exécutoire des lois et
règlements appuie totalement le projet qui sera donc l'objet de
l'affiche de fin juillet, portant publiquement l'intention du duc.
La suite ? Pas entièrement tranquille ! Nous
avons évoqué les oppositions locales. Elles vont faire l'objet de
tractations. Un acte (des actes) témoigne dans les archives de ces
oppositions. Celles de propriétaires exploitants, il sont au moins dix
à signer ces accords. Présents sur le territoire, payant redevance fixe
et redevance variable, ils vont négocier
leur autorisation et vendre celle-ci au Duc Decazes. Un traité, d'août
1826, confirme ces accords et règlera leurs dispositions. Ils sont
alors 45 (!) à se manifester opposans. Il y a sûrement
beaucoup d'espoir de richesse…
Il y a enfin, en novembre 1825, une lettre
étonnante, de Brassat St Parthem, maire d'Aubin. Le 14, il écrit à Monsieur le Comte (non identifié, probablement le comte
d'Arros, Préfet de l'Aveyron) :
La concession
demandée par Monsieur le Duc Decazes a déjà fait bruit à paris, et
excité l'envie de quelques personnes qui se disent puissantes.
On apprend donc qu'un officier de gendarmerie
de Villefranche a informé Monsieur de Larroche-Foucaut du
voyage du duc en Aveyron, ce qui amena ce monsieur à s'informer sur
les richesses des mines qui paraissaient être l'objet du
voyage de Monsieur le Duc. Il est alors attendu, précise le maire, que M. Dufrénoy revienne à Paris. L'officier de
gendarmerie est ensuite invité à accompagner deux messieurs
à Aubin. Ces deux personnes sont Monsieur le Chevalier de
Mirmont, maire de Vienne, département de l'izère, et député, et Mr
(illisible) de Paris. Ils sont tous deux membres
de la compagnie d'exploration et d'exploitation des mines…Ce
voyage les amène à se poser en concurrents au duc. Je ne
puis vous dire encore si le traité sera accueilli (…) Au fonds la
rhumeur est grande, il en coute au particulier de céder sa mine pour
rien tandis qu'il a vu son voisin la vendre pour un grand prix…Cette
opposition un peu tardive sera sans suite. Il semble même que la
demande en concurrence n'ait pas été formulée ; rien n'est dit sur
cette concurrence dans les textes ultérieurs. Accordée le 9 janvier
1828, au Duc, avec mention de trois demandes en concurrence Malvezy,
Gilson et Demachy.
La personnalité évoquée par le maire d'Aubin
est sans doute M. François Alexandre
Frédéric de La Rochefoucauld, duc de Liancourt, puis duc de La
Rochefoucauld. Philippe Paul de Tessières
de Miremont Chevalier de Miremont est l'un
des deux visiteurs, arrivés ce samedi soir vers neuf heures.
Le second n'est pas identifié, et nous n'avons aucune information sur
la compagnie évoquée…
Concession de
Firmy, Rial, Rieumort réunis, houille
Sur nos chemins de traverse, cette concession
se distingue par la partie de Monopoly à laquelle elle va donner lieu,
avec pas moins de trois joueurs principaux, plus quelques autres. A l'occasion on découvre un François Cabrol très
énergique.
A l'origine il y a une concession Fualdès du
Rial, du 6 mai 1818. Le 14 février 1825 une vente est faite à Lecour,
le directeur évoqué ci-dessus, ce qui permet alors à Demachy de
préciser au préfet, le 14 février 1826, que ses droits ne sont pas
tenus. Il fait une demande en opposition au duc, et évoque à son tour
le monopole du duc Decazes. Une vente Fualdès -Decazes est actée le 5
juin 1826.
Le 23 avril 1830,
Cette concession permet de retrouver Nicolas
Cadiat. On sait que l'ingénieur républicain, proprement remercié en
1848 avait quitté Decazeville pour Paris. En 1855 il est de retour au
pays ! Pas très présent physiquement sans doute, il est directeur de la
compagnie d'Aubin, le concurrent voisin. F. Cabrol s'oppose à son
ancien collègue et à sa demande de concession de houille à Firmi,
formulée en novembre 1854. Il rappelle qu'il a fait la même demande en
extension en 1839.
La demande en concession de M. Manheric, maire de Firmi : une opération purement spéculative...
Le comte d'Arros, préfet de l'Aveyron
La quasi totalité des demandes de concession sont passées par les mains du comte d'Arros, préfet en place de 1820 à 1828. Il est donc normal de faire connaissance du comte, qui fut très impliqué en Aveyron, au point d'être un temps un des pénitents bleus de Villefranche de Rouergue, comme Elie Decazes ou Humann...
▼ clic pour agrandir
Pour clore cette longue page historique, un
paragraphe amusant : savez-vous pourquoi le papier de l'action de
Actions et…réaction ! Rouge et vert, les couleurs de Decazes-ville…
A sa création, la société a émis des actions
de deux natures bien différentes. Il y avait les rouges, d'où la
couleur du papier, un grand format
En effet, et contrairement à ce qui est très
largement pour ne pas dire unanimement écrit et repris, la compagnie
n'a pas attendu trop longtemps pour constater des bénéfices. Elle n'a
même pas attendu du tout. Les comptes présentés au nom du duc par M.
Humann, président du comité d'administration, le 1 avril 1830
constatent un bénéfice de 126.267,98 francs. Le tiers de cette somme,
En comptant bien le duc reçoit donc dès le début 100.316,29 francs sur ces premiers exercices. On peut noter la rentabilité de l'entreprise : 3,5% au premier exercice, et 4,9% au second. (ratio calculé sur la capital souscrit de 3.600.000 francs).
Le duc ne recevra rien ! le Comité d'Administration, dont il est membre, décide de ne rien verser et de mettre en réserve ces sommes, celles du duc et celles des actionnaires, mais sommes de nature juridique fort différente, ce qui avait un peu échappé à tous…
Il faudra
attendre le 21 juin 1854, plus de 22 ans plus tard, pour retrouver cet
épisode. Le duc vient en effet demander à
◄ document col. Jean Rudelle
Nous ne sommes pas ici dans l'anecdote ! La date est essentielle, l'avenir industriel de l'Aveyron est scellé !
Vendredi 16 juin 1826, samedi 17 juin,
Paris,
Ces deux jours ont marqué le Rouergue pour toujours ! Chez M.
Humann, puis en la demeure du duc Decazes, le notaire Dubois recueille
les accords des premiers actionnaires de
La lettre d'Elie Decazes, dix lignes, ancien Ministre faut-il le
rappeler de ce même Ministère, est adressée à M. Sénac, chef de Bureau.
M. Sénac est effectivement à cette date le chef du bureau du Commerce,
appartenant à
Le duc évoque
Etiole, dans l'orthographe de l'époque. C'est là que résidait le comte
Beaupoil de Sainte-Aulaire, son beau-père. Un seul mot de la lettre
nous pose problème : à mes parents à
Etiole…Est-ce bien parents ? Difficile à lire…
La
formule de politesse dépasse, il faut le noter, ce qu'un simple
courrier administratif nécessiterait. Pour l'anecdote, il n'y a qu'un paté, au début de la ligne deux, l'encre
a même largement bavé au verso, et une seule rature, le duc corrigeant Ce retard...au lieu de Le retard.