L'Atlas
cantonal de l'Aveyron


Jeux de cartes, l'Atlas
Cantonnal
(sic) de l'Aveyron
Une partie de
plaisir ? Peut-être pas !
partie II
Patience
et longueur de temps...font des images en meilleure définition...

Litige Lacaze Romain,
action judiciaire
Le 25 août 1858 le Journal de
l'Aveyron publie une lettre que lui adresse Baptiste Lacaze.
Auparavant, Rivière responsable
de la rédaction du Journal
tient en quelques lignes à
préciser qu'en annonçant le 28 juillet 1858 la publication de la carte
Romain, la feuille 8 Espalion comme spécimen, rien ne pouvait lui
faire soupçonner l'existence d'un travail similaire et qu'il n'a pas
qualité pour en juger. On peut penser qu'il y a là une certaine
mauvaise foi, ou pour le moins une inexactitude assez étonnante.
L'article du 28 juillet reprend en totalité le prospectus rédigé par
Romain, après une introduction éditoriale très élogieuse. Evidemment,
si ce prospectus ne mentionne jamais l'existence de l'Atlas, le Journal
aurait peut-être dû, pense Lacaze. Rivière avait parfaitement
connaissance du travail de l'Atlas par exemple par les discussions au
Conseil général qui en débat depuis longtemps, plus de dix ans, et dont
des colonnes entières du Journal
accueillent les compte-rendus ! Le 8 septembre 1858 la première
publicité de l'Atlas parait, suivie le 11 par celle de la carte Romain.
Cette carte n'est que la copie
exacte, le calque de l'Atlas départemental qui a été dressé, sur la
demande de l'administration, par M. Clergue et par moi. En
s'appropriant notre travail et en le livrant au public comme sien, M.
Romain n'a pas songé qu'il s'emparait d'une propriété qui nous a été
formellement garantie par les délibérations du conseil-général de
l'Aveyron, notamment par celle de 1845, et qu'il nous causait un
préjudice réel. Suivent quelques considérations techniques sur
la confection de l'Atlas, le résultat de quatre années de labeur…Je tiens donc, Monsieur le rédacteur, à
conserver mes droits de propriété, vis-à-vis de M. Romain qui, mieux
inspiré, j'ose le croire, renoncera à sa publication, et vis-à-vis du
public, pour que personne, à l'avenir, ne soit tenté de les usurper de
nouveau…
Les termes de la lettre de Lacaze du 25 août sont courtois mais fermes.
Il est assez amusant de lire la proposition à M. Romain d'abandonner sa
carte. Y croit-il vraiment ?
Romain répond publiquement très rapidement, dès le numéro suivant du
JdA, le 28 août. Il débute sa lettre en soulignant que c'est lui qui a
pris l'initiative de l'Atlas en 1844, qui
n'est que la réunion en une seule feuille des plans d'assemblage des
communes. L'usage du
pantographe pour la mise à l'échelle est le seul travail fait par
Lacaze, et ce travail exige uniquement les connaissances que l'on peut
acquérir dans une école primaire….A contrario, la construction d'une
carte géographique du département sur une grande échelle exige beaucoup
plus que cela. A l'appui de ses dires, Romain n'hésite pas à
manier le sarcasme, et à donner comme sources des ouvrages de l'Ecole
Polytechnique, le cours d'astronomie, ou le cours de topographie de
l'école d'application du corps d'état-major. Bien sûr M. Lacaze n'est
pas capable de se mettre à ce niveau de connaissance suggère Romain. La
courtoisie n'est pas de mise. Sur un autre plan, Romain dénonce le
caractère commercial de l'Atlas, une carte de canton peut avoir un
certain débit, et l'oppose à son parti de publier des feuilles, donc
sans visée mercantile.
J'ai le regret d'avoir à occuper le
public de ma personne ; il n'entre nullement dans mes habitudes de me
livrer à une polémique quelconque. Je ne répondrais donc à aucune autre
attaque, si elle se produisait, et j'attendrai patiemment que M. Lacaze
réclame devant la juridiction civile des droits de co-propriété que je
lui conteste formellement.
Rodez et l'Aveyron apprennent donc en ce mois
d'août 1858 l'existence de la carte Romain et l'accusation de plagiat.
En page 4, la dernière, le JdA du 1 septembre fait part de sa position
future. Et le Journal tiendra
sa promesse ! Il n'y aura plus de texte de la rédaction sur cette
affaire. Par contre au hasard des publications des comptes-rendus de la
Société des Lettres ou du Conseil Général le litige Lacaze-Romain sera
évoqué. Pour en savoir plus, il faut donc rechercher Baptiste Lacaze et
Bernard Romain devant les tribunaux.
Deux documents concernent précisément ce litige : Mémoire à l'appui d'une demande en
dommages-intérêts formée par Baptiste Lacaze, ancien employé du
Cadastre, aujourd'hui Brigadier sédentaire des forêts, à Rodez contre
Bernard Romain, agent-voyer en chef, domicilié à Saint-Etienne, 15
pages, présenté par H. Rodat*, avocat, imprimé par
Carrère à Rodez
et Réponse à un géomètre distingué
sur son appréciation des notes relatives à la construction d'une grande
carte du département de l'Aveyron par B. Romain, 1865, 11 pages,
imprimé à Saint-Etienne. Le Mémoire est présenté à la Chambre
des appels de police correctionnelle entre parties civiles à la
Cour Impériale de Montpellier. Ces documents figurent dans les
collections de la SLSA à Rodez, sous les cotes Varia SLA104,
Mémoire, et Varia SLA122 pour la Réponse.
*
L'avocat de Baptiste Lacaze, Henri Rodat, appartenait à une famille
aveyronnaise bien connue.
L'action
judiciaire
L'action en contrefaçon devant le Tribunal correctionnel de Rodez a
débuté le 17 novembre 1863 : M. Lacaze, poursuivant Romain pour avoir
copié son Atlas, saisit le tribunal. M. Romain répond par une demande
semblable le 4 janvier 1864, accusant à son tour Lacaze d'avoir copié
sa carte. Le 9 janvier 1864, après avoir reconnu que Lacaze était bien
le propriétaire de l'Atlas, ce que contestait Romain, le tribunal
demande à un expert de rapporter quelle est la valeur artistique de
l'Atlas et si M. Romain a fait des emprunts. La même question,
symétrique, est posée à l'expert pour l'autre partie.
Plusieurs mois plus tard, après avoir entendu les parties, le rapport
de l'expert est présenté au Tribunal le 3 juin. Il en résulte que M.
Romain, tout en faisant des additions à la Carte de Lacaze a calqué son
travail, et qu'il lui est dû une indemnité d'environ quatre mille
francs. Mais Lacaze supporte également le même reproche : …il a fait
quelques emprunts à la Carte de M. Romain, a calqué son travail…et
l'indemnité due à M. Romain doit être évaluée à un vingtième tout au
plus de celle qu'il devrait lui-même à M. Lacaze, soit 200 francs au
plus.
M. Romain soulève alors trois objections :
1, l'action de
M. Lacaze est prescrite,
2, M. Lacaze n'a pas fait le
dépôt légal suivant la loi du 19 juillet 1793 et ne peut donc se
plaindre de contrefaçon,
3, il n'est
pas propriétaire de l'Atlas.
Les deux premières objections sont rejetées, mais le Tribunal accepte
la troisième. Le Tribunal rejette le délit de contrefaçon qui ne
peut ici exister. La demande reconventionnelle de Romain est également
rejetée. C'est de ce jugement que les deux parties ont relevé
appel.
L'avocat de Lacaze, H. Rodat, fait alors dans son Mémoire en
appel l'historique des relations entre les auteurs de l'Atlas et le
Conseil Général, concluant qu'elles prouvent, de la manière la plus
éclatante, que M. Lacaze est propriétaire de l'Atlas et que c'est mal à
propos que la fin de non-recevoir, proposée par M. Romain, a été
acceptée.
A cette occasion, on apprend que lorsque le directeur des contributions
a chargé MM. Lacaze et Clergue de réaliser l'Atlas, M. Lacaze était
sans emploi, avant d'entrer dans l'administration des forêts. M.
Clergue était sans emploi jusqu'à la fin du travail de l'Atlas. Il est
rappelé que les opérations du cadastre se terminent en Aveyron en 1844,
et le Préfet constatant qu'il reste 2.500 francs de crédit non
employés, avait proposé alors la confection d'un Atlas cantonal.
Ayant soumis la demande au directeur des contributions, celui-ci avait
à son tour confié le travail à Lacaze et Clergue. Ceux-ci, sans aucun
lien avec l'administration, sont donc de simples particuliers avec qui
le directeur a traité. En 1845 la dépense était évaluée à 3,780 francs.
L'avocat précise alors que les auteurs avaient renoncé à se séparer de
leur propriété en 1849, ce qu'avait accepté le Conseil Général. La
preuve est donc faite de la propriété de l'Atlas à M. Lacaze, projet de
l'ordre de 15.000 francs.
Examinant le fond de l'affaire M. Rodat examine donc l'Atlas et le
rapproche de la Carte Romain. Il souligne la contradiction de Romain,
qualifiant le travail de Lacaze comme un travail d'école primaire, sans
intérêt, mais le calquant dans sa carte, prouvant donc que l'Atlas a
véritablement un intérêt. Pour l'avocat, le mérite de Lacaze est un
mérite de dessinateur, alors que celui de Romain n'est qu'un mérite de
calculateur. Et l'avocat n'hésite pas à parler calcul et chiffres en
relevant dans la publication de Romain, Notes relatives à la construction d'une
grande carte du département de l'Aveyron (Varia SLA 173)
plusieurs erreurs qui à ses yeux condamnent l'exactitude le carte
Romain, erreurs pouvant être
relevées par un Membre de la Faculté, si besoin est.
La conclusion du Mémoire est qu'il
résulte de ce qui précède que l'Atlas est une œuvre d'art dans le sens
de la loi de 1793, que ce travail a bien plus de mérite que celui de M.
Romain, car M. Lacaze sait se servir avec plus d'art de son crayon que
ce dernier des formules de la science…
Nous l'avons dit, au début de cette étude, l'Atlas ne fut pas
(toujours) un plaisir pour son auteur !
M. Romain ne restera pas silencieux en prenant connaissance de ce
Mémoire. La Réponse à un géomètre
distingué qu'il va publier le 10 février 1865 débute avec humour
: je ne suppose pas que, pour si peu
de chose, il soit nécessaire de déranger un Membre de la Faculté.
M. Romain, qui n'est plus en poste en Aveyron, va en 11 pages de
démonstrations réfuter toutes les erreurs que l'avocat croit avoir
trouvées en s'appuyant sur les constatations d'un géomètre distingué.
Mais dans cette note, il n'y a pas une allusion au plagiat et à la
condamnation de Rodez. Est-ce un aveu implicite de Romain ?
La
chronologie judiciaire est donc la suivante :
17 novembre
1863 : poursuite Lacaze contre Romain (Rodez)
4 janvier 1864
: action Romain contre Lacaze (Rodez)
9 janvier 1864
: jugement, nomination d'un expert (Rodez)
3 juin 1864 :
jugement, Rodez.
28 juin 1864
: appel de Lacaze
28
juin 1864
: appel de Romain
Le jugement rendu à Rodez ne satisfait aucunement les parties. Lacaze
n'obtient pas la condamnation de Romain pour plagiat et Romain ne voit
pas en particulier sa demande de non propriété reconnue. Les deux
parties vont donc faire appel. La cour d'Appel compétente étant celle
de
Montpellier, le dossier juridique a donc été transmis dans l'Hérault et
les archives de l'Aveyron n'en ont pas trace. Les seules mentions de
procédure de première instance peuvent cependant être trouvées dans les
répertoires des jugements
correctionnels. (bibliographie,
ADA 7 U 574 )


Répertoire
jugements correctionnels :
verdict
: relaxe...
Le rapport de
l'expert Adolphe BOISSE
←
Nommé en janvier 1864, Adolphe Boisse, expert auprès du tribunal, va
déposer son rapport en juin de la même année. Mr Boisse n'est
évidemment pas un inconnu, et nous l'avons plusieurs fois rencontré sur
cette Route du Fer, ne serait-ce que pour son travail de géologue. Son
rapport est en tous points remarquable. Soigneusement conservé dans les
Archives départementales de l'Aveyron, il mérite votre attention. Sa
lecture intégrale peut se faire ici sur notre transcription du texte,
accessible par un clic sur l'image ci-contre. Quelques détails de
fabrication de l'Atlas sont évoqués et Boisse nous donne l'occasion de
s'immerger dans la procédure. Vous serez au tribunal ce 3 juin 1864,
bien assis à écouter l'expert...Bonne lecture, c'est du papier timbré !
L'appel de
juin...
ADH
Ce n'était pas un 18 juin, mais le 28 juin 1864 que Baptiste
Lacaze
faisait donc appel du jugement du tribunal correctionnel de Rodez.
Bernard Romain, pour d'autres raisons, fera de même le même jour. Et
Montpellier étant le siège de la cour d'appel compétente, le dossier
quitte donc l'Aveyron pour l'Hérault. Les Archives départementales de
l'Hérault (ADH) deviennent donc pour nous la mine à visiter.
Rose-Marie Orriols a bien voulu devenir envoyée spéciale de la Route du
Fer, merci à elle !
Mais après de nombreuses heures passées à parcourir registres,
inventaires, et autres dossiers, il n'a pas été possible de retrouver
trace de cet appel dont la date nous est inconnue. Il n'est d'ailleurs
pas certain que la procédure ait été effectivement conduite à terme...


←
Bernard Romain est agent-voyer en chef du département de
l'Aveyron. Sur cet état de 1859, on retrouve également le nom de M.
Arribat, dessinateur de Romain. Accessoirement, figurent les salaires
des agents. On peut ainsi avoir une base de comparaison bien utile pour
évaluer l'importance des frais et subventions évoqués pour l'Atlas.
Baptiste
Lacaze et son Atlas sont au
centre de notre étude. Mais puisque Bernard Romain a décidé de
s'inviter, sans trop y être convié, à cette partie de cartes, voici
quelques informations sur son travail. Ses cartes sont peu connues et
retiennent moins l'attention, le départ professionnel de l'agent-voyer
en chef pour d'autres départements à l'époque même de la publication,
vers 1860, expliquant peut-être cela. Bernard Romain, en fonction dans
le
département du Nord en 1870, en dressera la carte routière. Auparavant
il fait un passage dans la Loire. En 1864, on constate que son
traitement a très fortement augmenté, 81 % en 5 ans ! Ce département
est (beaucoup) plus riche...
Le travail de l'agent-voyer est de nature très différente de
celui de
Lacaze. Les sources utilisées sont dit-il, les travaux géodésiques de l'armée.
Bernard Romain manipulait allègrement les tables de logarithmes, outil
essentiel de calcul en trigonométrie, à une époque où les tablettes et
ordinateurs étaient évidemment hors de prix ! Inutile d'évoquer photos
aériennes et données satellitaires... Il a donc utilisé le
canevas de points des militaires, complété par ses propres calculs.
Lacaze n'avait pas fait ces calculs, et avait utilisé comme sources les
cartes communales de l'administration des impôts. Mais n'en déduisons
pas trop vite que calcul veut dire précision. On a vu plus haut les
différences significatives de longueurs d'itinéraires avec utilisation
des mêmes
données. Comme pour l'Atlas, le raccord entre feuilles des cartes
Romain ne ressemble pas à ce que nous connaissons de nos jours...

←
Avec
cet extrait, si la continuité de la voie ferrée est correcte, on ne
peut pas en dire autant pour les chemins !
On notera
également le tracé vraiment fantaisiste de la voie à Cadayrac : un
trait de crayon évoque le projet réel, que
Romain n'a pas à l'évidence pris soin de consulter : le tracé est
inexact et l'arrivée ne sera jamais à Cadayrac.
Les feuiiles Romain sont au 1/50.000, ce qui en fait
à priori des éléments assez semblables aux cartes de l'Atlas. Le
graphisme est moins "artistique",
pour reprendre l'expression de l'avocat Henri Rodat qui défendra
Lacaze. Il y a incontestablement un air de modernisme. Pour ce qui est
du possible plagiat, nous ne prendrons pas position, mais la
comparaison montre un air de famille,
voir par exemple la mention hauts-fourneaux
à Firmi, assez semblable à celle de l'Atlas.... Chacun pourra se forger
son
opinion, en examinant à la loupe
les extraits de cartes Romain présentés dans le chapitre 8 de ce site.
Les deux exemples suivants montrent cependant une différence certaine :
les mines, puits, forges et autres voies ferrées minières sont bien
présents, alors que nous constaterons plus bas des lacunes dans
les cartes de l'Atlas. Les tunnels de la voie minière sont
individualisés, ce qui est bien, et Decazeville est maintenant Décazeville, avec un
accent, ce qui est moins bien !
L'Atlas
cantonal à la
loupe

Avant de se
pencher sur ces précieuses cartes, mentionnons une première curiosité,
la date
d'édition. Nous avons vu plus haut que celle de 1861 peut être retenue
avec une
très bonne certitude. Pourtant lors d'une vente à Toulouse, l'expert
décrit
l'Atlas comme dressé en 1875.
Toulouse,
Impr. Sirven. In-folio. Reliure d'époque 1/2 toile noire. 1 carte
départementale en couleurs et 42 cartes doubles lithographiées,
coloriées aux
délimitations.
Il y aurait donc eu au moins deux éditions de
l'Atlas, celle
imprimée par Loup à Rodez et celle de Sirven, une quinzaine d'années
plus tard
à Toulouse ? Plus exactement, si deux éditions existent, il ne s'agit
que de la carte départementale, et non des cartes cantonales, toutes
signées Loup Rodez. Une édition coloriée de la carte départementale,
avec un cartouche modifié, a bien été imprimée en 1873 avec la
signature de Sirven. L'exemplaire analysé ici est celui imprimé par
Rivière à Toulouse en 1862, donc une
première
édition. Le papier laisse deviner le filigrane LAFUMA
. VOIRON. Cette
deuxième édition ne pouvait plus être imprimée par Prosper Rivière,
celui-ci ayant cessé d'exploiter son brevet d'imprimeur en 1868. A
première vue, il n'y a pas de différences dans le contenu de la carte,
mais la version de 1873 est joliment coloriée, une couleur par
arrondissement. On remarque également le contenu du cartouche, les
dédicaces et autres auspices ne sont plus présents...




Carte
départementale de l'Aveyron

A l'échelle
du 1/300.000, datée de 1862, elle porte la seule mention de Lacaze
comme
auteur. Dédiée au préfet M. Boby de la Chapelle, au même format que les
cartes
cantonales, 52 cm
de hauteur et 68 cm
de large, elle mentionne comme imprimeur lith
P. Rivière à Toulouse, Prosper
Rivière pour être plus précis. Cette
carte départementale, offerte aux souscripteurs de l'Atlas, est la
première de
l'Atlas, n'étant précédée que de deux pages artistement gravées : la
première
donne le titre, et la seconde présente un tableau de l'ensemble des
cartes,
avec leur numéro et le canton concerné. Les cartes sont montées sur
onglet. La
couverture, en carton fort, est muette sur le contenu…

←
Cette carte
est essentiellement administrative. Le contour du département est
souligné en
rose, et les limites d'arrondissement en jaune. Lacaze a eu la très
bonne idée
de prolonger certains tracés vers les départements voisins. On retrouve
très
naturellement les tracés des voies de circulation : routes impériales
au nombre
de 8, départementales, 15, et les chemins de grande communication, 21
et de
moyenne communication, 60. Un tableau donne les numéros de classement
de ces
voies, leur dénomination et leur longueur. Les chemins de fer,
nouveauté du
siècle, sont présents, avec un très curieux tracé inédit aux confins du
Lot,
vers Capdenac (Capdenac-Gare n'existe pas encore) : est-ce un projet
qui sera
abandonné ? Le chemin de fer industriel de Decazeville à Marcillac,
inauguré en
1856 est en place. Mais son homologue minier de Cadayrac, au service
des forges
d'Aubin est absent. Il était pourtant bien présent en 1862…Vers
Toulouse la
voie est notée chemin Grand Central. En 1862 le Grand Central a disparu
des
tablettes, ses voies étant dispersées vers d'autres compagnies. Celle
d'Orléans
n'a pas l'honneur d'être citée pour la voie vers Rodez. Il est vrai que
l'on disait alors réseau Orléans (Grand Central) pour cette nouvelle
acquisition de concessions. La gare
provisoire, la vieille
gare des anciens ruthénois, est dessinée, ainsi que le projet de la
nouvelle et
de la voie vers Séverac et Millau. Des données d'altitude figurent. Les
cures
sont mentionnées dans la légende ainsi que l'Archevêché. En dehors des
éléments
graphiques administratifs, Lacaze a seulement dessiné quelques massifs
forestiers, Aubrac, Palanges par exemple, indiqué des sources,
l'Aveyron ou
l'Orb, mais n'a fait aucune place à quelques indications industrielles,
comme
des mines, usines, forges et autres…On verra plus loin, dans les loupes
sur
les cartes cantonales, que d'autres omissions sont vraiment curieuses.
Notons enfin que le soulignement en rose du contour cantonal n'est pas
une règle absolue, certains exemplaires se montrent avec un joli bleu...
↓ cliquez sur les
vignettes pour une meilleure résolution








↑ un clic sur la
vignette pour une meilleure résolution

A la loupe,
voici donc dans l'ordre de l'Atlas, quelques curiosités relevées sur
les
cartes
cantonales. Notre loupe s'est évertuée à rechercher tout ce qui peut
avoir un
lien industriel. Il ne s'agit donc pas d'une analyse exhaustive de
chacune des
42 cartes cantonnales (sic),
ainsi écrit dans les en-tête. Il y a bien
évidemment des constantes dans ces cartes de canton. L'échelle est le
1/50.000,
aucune date d'édition n'est indiquée et le cartouche mentionne une
réalisation
par Lacaze et Clergue, sous les auspices
de l'Administration départementale et l'autorisation
du Conseil Général. Dans le sens de protection ou d'appui, on
comprend bien
la présence de l'Administration. On a vu plus haut, dans la genèse de
cet Atlas
le rôle de l'administration. Mais pour ce qui concerne l'autorisation
du
Conseil général, nous sommes dans les interrogations. Lacaze et Clergue
avaient
tenu dès le début de leur travail à se réserver la propriété de
l'Atlas. Les
péripéties judicaires avec Romain confirment d'ailleurs totalement
cette
propriété, retenue par le tribunal. Pourquoi donc une telle mention ?
Un appui
du Conseil, renvoyant à ses généreuses subventions aurait mieux précisé
le rôle
des élus dans l'élaboration et diffusion de l'Atlas.
→
Pour les
chefs lieux d'arrondissement, ils sont cinq à cette époque, une carte
de la
cité est donnée, au 1/5.000. Elles sont très instructives sur le
développement
urbain depuis le milieu de ce siècle. En dehors des limites
administratives les
auteurs dessinent les cours d'eau, les voies de circulation, routes
chemins et
voies ferrées, les premières avec leur numéro et dénomination quand
c'est
matériellement possible. Pour chaque canton un tableau donne pour les
communes
concernées les chiffres de population et la localisation du bureau de
poste. On
trouve enfin pour presque chaque carte, des indications de moulins.
Nous ne les
reprendrons pas systématiquement par la suite. Curieusement aucune
donnée
d'altitude n'a été reportée sur ces cartes alors que l'échelle le
permettait
parfaitement avec une bonne précision. Les hameaux font mention des
constructions,
et on peut très facilement compter leur nombre. La source des
informations de
Lacaze est sûrement à l'origine de cette précision : l'Atlas a été
réalisé à
partir des cartes communales de l'administration des contributions,
évidemment
bien informée. N'oublions pas que Clergue et Lacaze furent un temps
employés du
cadastre. Et si cette mention figure sur les cartes, alors qu'ils ne
sont plus
en fonction, c'est pour donner une meilleure présentation de l'ouvrage.
Le
cadastre fait penser à la rigueur ! Commercialement c'est bien sûr un
argument
de vente des cartes plus porteur que brigadier sédentaire des forêts,
ce que
sera plus longuement Lacaze.
Nota : pour
certains cantons, petite pioche ! Il n'y
a aucune volonté particulière de notre part, mais rien
d'industriel n'a été relevé. L'intérêt de la carte en soi est
évidemment bien réel ! les traits bleus qui peuvent apparaître sur
certaines
cartes sont des ajouts sans relation avec Lacaze.

1-BOZOULS (5 communes*)




Moulins
Baraques le long de la route
impériale 88. Il
s'agissait des haltes le long des routes, permettant chargement et
déchargement, et quelquefois changements de chevaux. Ce vocable est
encore
présent en Aveyron, vers Rieupeyroux.
Ancienne
voie romaine
Puits de
houille, à Gages. Très correctement situé, c'est une vraie curiosité,
car on ne
trouvera plus dans l'Atlas le mot houille, y compris à Aubin et
Decazeville !
* le
nombre de communes est celui relevé sur notre
exemplaire, corrigé à une date inconnue. Il peut varier d'une unité ou
deux
avec le tableau de la carte.
2-CASSAGNES (8)
Bois,
forêts avec indications de surface
3-CONQUES (6)
4-LA SALVETAT (5)
5-MARCILLAC (9)



Voies
ferrées minières au nombre de trois :
vers Decazeville, celle de Cadayrac et celle de Solsac. Pour cette
dernière, la
carte de Lacaze est la seule
à la faire figurer, alors observez-la bien
! Merci
Monsieur Lacaze !
Minerai de
fer : indications à Cadayrac et Solsac. Rien à Mondalazac.
gare
minière, dépôt de minerai à Marcillac.
Moulins des
Bardels à Muret
Moulin du
Conte à Marcillac (il aurait
été plus exact d'écrire comte…)
6-NAUCELLE (8)
7-REQUISTA (7)
8-RIGNAC (9)

Le canton
est traversé par le chemin de Fer pour
l'Exploitation du Minerai de Decazeville
9-RODEZ (9)






Plan de la
ville au 1/5000. On relèvera les noms des boulevards : Midi, Ste
Catherine,
Napoléon, des Ecoles…
Indication
du télégraphe, et de l'uzine à gaz,
seules concessions au modernisme avec les
gares
Aqueduc
romain depuis les sources de Vors au bassin de la Boissonade
Gare
provisoire et gare projetée
Ancienne
route romaine vers Lioujas
Nombreuses barraques
Fours à chaux
La carte est
orientée le Nord
à droite et non en haut
10-DU PONT DE SALARS (8)
11-SAUVETERRE (8)
12-ENTRAYGUES (5)
13-ESPALION (6)

Plan de la
ville, avec les ponts vieux et neuf, 1/5000
Route
Impériale abandonnée, à l'arrivée depuis Rodez
14-ESTAING (6)
15-LAGUIOLE (5)

Mentions de
burons
Forêts
communale Laguiole, 780
Ha,
et Domaniale Bonneval 655
Ha
16-MUR DE BARREZ (5)
17-ST AMANS (6)
18-ST CHELY (2)

Le canton
qui compte le moins de communes !
Forêts
Condon 540 Ha,
domaniale de l'Aubrac 1527 Ha
Voie
romaine
La carte
est assez "blanche" !
19-STE GENEVIEVE (6)
Burons
20-ST GENIEZ (6)
Le Minié
haut*. La toponymie peut aider à retrouver une industrie.
*Nous n'avons
pas relevé systématiquement tous les noms renvoyant à une activité
minière ou
autre.
21-CAMPAGNAC (5)
22-LAISSAC (8)



Chemin de
fer projeté
Monferrier,
près de Ayrinhac. Effectivement un affleurement de minerai existe ici.
Moulins
Amusant : l'Auberge du Violon
23-MILLAU (7)

Plan de la
ville au 1/5000
Chemin de
fer projeté Rodez Montpellier
24- NANT (6)

Bergeries
Mares,
fontaines et abreuvoirs
25-PEYRELEAU (7)
Caves,
mares et puits
26-ST BEAUZELY (5)
Le Minier
27- SALLES CURAN (3)
28-SEVERAC LE CHATEAU (5)
Chemin de
fer projeté
29-VEZINS (4)
30-BELMONT (6)
Nombreuses
indications de mas de…
31-CAMARES (10)

Ruisseau
Rouergue, frontière avec l'Hérault
Eaux
minérales de Prugnes, du Cayla, près de Sylvanès
Argent
neuve (près de Tauriac)
Fontaines
et bains d'Andabre
32-CORNUS (8)
33-ST AFFRIQUE (9)

Plan au
1/5000
34-ST ROME DE TARN (7)
35-ST CERNIN (12)
Moulin de
la Rudelle (près Coupiac) aucune
relation avec….
36-ASPRIERES (10)

Tracé du chemin
de fer "correct" à Capdenac (port, Capdenac gare n'existe pas), voir
carte départementale
Le
graphisme de la carte (plus fin, moins lisible) est différent de celui
des
cartes précédentes : autre dessinateur ?
37-AUBIN (10)
Nota : le canton de
Decazeville n'existe pas

Briqueterie
à Livinhac le Haut
Verrerie de
Penchot
Briqueteries
entre Viviez et Decazeville
Etuves à
Cransac
Embranchements
voie ferrée vers Decazeville et à Cransac (vers les usines)
Mention
Hauts fourneaux à Firmy
Voie ferrée
minière vers Marcillac
Lieux dits
: Charbonnières, Baraque de la Mine (près Firmy), Les Horts (St Parthem)
Château la
Salle à Decazeville
NOTA : RIEN sur les mines, usines et autres à
Aubin et à
Decazeville, même si un dessin maladroit des constructions existe. Cet
"oubli" est vraiment très curieux ! Pourquoi Lacaze a-t-il indiqué houille à Gages, et rien dans le bassin
dit houiller de l'Aveyron,
parfaitement connu comme tel à cette époque ?
38-MONTBAZENS (10)
Fours à
chaux, entre Montbazens et Aubin
Amusant (enfin…) : Baraque du
Malpendu, au nord de
Montbazens
39-NAJAC (8)
40-RIEUPEYROUX (5)

Martinets
de cuivre (vers La Bastide l'Evêque), deux mentions
Martinet
Moulin, près La Capelle-Bleys
41-VILLEFRANCHE (7)


Plan au
1/500, uzine à gaz (sic)
Moulin à
vent, à Martiel et à Savignac, avec un joli graphisme !
Carrière
(les Pesquiès)
Martinet de
cuivre, sur le ruisseau Doulouze près Villefranche.
Nota :
comme pour la carte d'Aubin, aucune indication minière à La Baume…
42-VILLENEUVE (9)
Moulin à
vent (St Clair)
Une conclusion
? le futur du passé ?
Que retenir
de l'Atlas cantonal Lacaze et Clergue ? Il n'y a évidemment pas tout ce
que
l'on cherche sur une carte ! Il y a quelques erreurs...Une carte est
une représentation qui porte
en elle
la personnalité de l'auteur, et à l'évidence en ce qui nous concerne,
la Route
du Fer, nous aurions souhaité voir davantage d'indications
industrielles
présentes. Cela dit, et écrit, l'Atlas est une référence certaine. Qui
a, si ce
n'est Lacaze, tracé avec une réelle exactitude la voie minière de
Cadayrac ?
Qui a eu l'excellente idée de faire figurer la voie minière de Solsac ?
Lacaze
est le seul auteur à l'avoir eue…Il y a encore beaucoup à dire
sur ces
belles cartes, un élément du patrimoine, observons-les à
la loupe, elles le méritent !
L'Atlas Lacaze est bien
connu des férus de généalogie. Ils y retrouvent par exemple trace des
lieux-dits de cette époque, 1860. Et de nombreuses études
régionales ont cité l'Atlas. Mais, moins connu, est l'intérêt
porté à l'Atlas par un service de Rodez-Agglo, en 2018, à des fins très
professionnelles... Lacaze peut donc être satisfait de son travail :
près de 160 ans plus tard, on utilise ses cartes.
Observons-les à
la loupe, elles le méritent !
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commentaire, un
complément ?
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